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  • Photo du rédacteurGilles Kappeo

Souvenirs de scène: Jeudi 22 décembre 2005, ma nouvelle vie commence!

Jeudi 22 décembre 2005,

Il est 19h… le spectacle commence à 21h00.

Nous avons fini d’installer le décor après la répétition de l’après-midi.

Maintenant Tout est en place.

Je suis seul en régie. Je checke ma conduite pour ne pas avoir à la regarder pendant le Show et perdre la scène des yeux et des oreilles.

Ti kabo* (je te laisse le plaisir de chercher la traduction de cette expression) le petit nouveau essaye de se rappeler de ce qu’il a à faire… ce soir il prendra ma place pour quelques minutes mais il a la pression. Il a peur de mal faire, peur de planter sa nouvelle famille. Je lui dis « T’inquiètes ça va le faire » de la fenêtre de la régie. Il sourit à moins que ce soit une espèce de… paralysie faciale ? Je ne me moque pas mais franchement il a l’air crispé.

Les danseurs et chanteurs sont sur scène et peaufinent les derniers détails.

Nathalie, Pauline, Olga, Doriane, Gilbert et Lorenzo sont habillés dans le premier numéro.

Les filles sont maquillées et ressemblent à des déesses.

Parmi elles il y a ma femme… pardon celle qui plus tard le deviendra. Elle est la plus belle de toutes et quand elle sourit j’en oublie un peu mon travail…

Cela fait maintenant 1 ans que je suis au poste de « technicien son et lumière ».

Le suis-je vraiment ? Non mais les artistes sur scène me font confiance. Parmi eux Gilbert qui m’a appris les bases de la technique.

Ici c’est le paradis de la démerde !

J’ai été formé vite, trop surement mais pas le choix y’avait besoin d’un mec en régie et puis j’étais pas danseur ni chanteur moi.

Seulement ce soir j’ai un Numéro, le dernier, Brazil !!!

Ça fait un sacré bout de temps que Lorenzo, le chorégraphe, s’acharne à faire danser un rugbyman qui aurait bouffé un poteau électrique.

Hérité de 8 ans d’escalade mes avant-bras ressemblent à des jambes et mes biceps à des quadris. Je pense pouvoir dire que j’ai la légèreté et la grâce d’un parpaing…

Cependant ce soir je suis prêt à rejoindre la terre promise, la Scène.

Quand tu poses tes pieds sur elle tout devient possible, tu deviens qui tu veux. Sur elle-même les parpaings dansent, les rires sont parés de 1000 lumières et les peines deviennent spectaculaires !!!

Mais pas de peine ce soir.

20h59 et 55 secondes… 5,4,3,2,1 et c’est parti pour le show. Ce soir les artistes dansent le monde et Put..n que c’est beau ! C’est un standard, un voyage autour du monde en danses et en chansons mais pour moi c’est comme si c’était tout nouveau.

Comment peuvent-ils avoir autant d’énergie après les jours longs et les nuits courtes que nous venons de vivre ??? Comment peuvent-ils danser droit après les multiples rhums ingurgités la veille en finissant à 3h du matin les décors qui d’ailleurs sèchent encore. Comment peuvent-ils… mais… mais attend…

Moi aussi je vais danser. Sinon pourquoi derrière ma poursuite qui me cuit le visage, ma console de lumières préhistoriques et ma table de mixage dont la moitié des potards sont pétés, pourquoi est-ce que je porte une tenue jaune canari avec des franges à faire pâlir une Bassecour.

Faut avouer que c’est beau mais pour une première fois sur scène on peut dire que j’aurais eu droit à un sacré grand écart avec mes fringues trop larges et trouées aux genoux de ma vie d’avant.

Le grand écart parlons-en…

Mon pantalon est tellement moulant que je crains de lever la jambe. Ce n’est pas lui qui épouse mes formes mais mes formes qui s’aménagent une place dans le pantalon. Ça fait 16 ans et on m’en parle encore aujourd’hui c’est pour dire !

L’Espagne c’est fait, l’Amérique aussi, l’ile Maurice est un grand moment de bonheur.

Quand on a un chorégraphe et un danseur Mauricien il aurait été dommage de ne pas danser et chanter leur pays. « Chant l’Amour » pour commencer en douceur puis « Li tourné » et la salle s’enflamme ! Je danse dans ma cabine ! je chante dans ma cabine ! Tu sais c’est un peu comme quand t’es en voiture et que la radio te balance un « Roxane » ou un « Maldon ». Tu ne comprends rien à ce que tu chantes mais tu chantes… t’as beau d’habitude écouter du rap ou du métal, ton cerveau vérifie juste que tu sois seul avant de te dire lâche toi et si possible avec une voix bien aïgue et dans une langue inconnue.

Bref c’est la fête et …

« Ça va poulet ? »

Ti kabo vient d’arriver dans la cabine.

« T’inquiètes ça va le faire »

Je souris à moins que ce soit une espèce de… paralysie faciale ?

Ti kabo, c’est à moi qu’on aurait dû donner ce surnom. Je ne suis pas fier, parce que s’il est là c’est que moi, dans quelques minutes, je serai en face des projos, au milieu des décors et face… au public.

C’est fou comme à ce moment-là ton cerveau primitif peut t’envoyer ce message parfaitement net « fuis, quitte le pays, fais-toi oublier ».

J’suis pas bien ! Ti Kabo a pris ma place et moi je suis dans les coulisses après avoir couru par l’extérieur pour les rejoindre.

« Lo je m’sent pas bien, je suis malade, je… »

« Arrête Gogote**, tu souris et tu montes sur scène. Maintenant ! »

BOOM, BOOM, BOOM… Brazil ! BOOM, BOOM, BOOM… Brazil !

Cerveau Of. Sourire On version Sano-Gilles. Adrénaline On.

Je suis à Jar*** en coulisses.

Je rentre, le sourire n’est plus crispé, le public tape des mains et mon cœur bat au rythme du beat, je ne suis plus malade… du tout. Je suis prêt à tout fracasser, du moins j’en ai l’impression. Je suis toujours un parpaing plein de paillettes mais dans ma tête je suis un vrai danseur qui fait le show…

Tout se termine, on salue, puis chacun a le droit à sa présentation. Lorenzo m’appelle et je fais une rondade pour me pointer à l’avant de la scène comme si… comme si c’était normal. Mais rien de ce que je fais sur scène ce soir n’est normal dans l’autre vie.

Tant qu’on est dans le public on ne peut se rendre compte à quel point la frontière bien qu’invisible est immense entre la réalité des fauteuils et le miracle des planches.

Nous faisons les photos sur scène, Nous sommes mondialement connus ! Enfin, ils ne connaissent pas exactement nos prénoms ni qui nous sommes vraiment mais je souris comme si la presse était là…

De toute façon je m’en fous. Aucune importance à être connu. L’important c’est d’être là où j’ai toujours voulu être.

Partager un peu de rêve et de magie, ouvrir une brèche dans la réalité du monde vers le temple des émotions comme un guide vers le haut de la montagne à ceux qui ne connaissent pas la route.

Voilà ce qui est important.

Nous sommes jeudi soir et je viens de naitre pour la 2ème fois.


*Ti kabo : petit truc que nous prétendons souvent de taille beaucoup plus importante.

**Gogote : cerveau masculin se situant dans son pantalon

***Jardin : à gauche quand tu regardes la scène de la salle/cours : à droite quand tu regardes la scène de la salle






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